Nimba Mining SA : L’État guinéen nomme son premier Directeur Général pour renforcer la souveraineté minière
Conakry, 11 septembre 2025 – Dans un mouvement stratégique visant à accroître le contrôle étatique sur l’exploitation des ressources minières, la société Nimba Mining SA (NMC), fraîchement créée, vient de nommer son premier Directeur Général. Il s’agit de Patrice L’Huillier, un ingénieur expérimenté de nationalité française, dont la nomination marque une étape clé dans la relance des activités bauxitiques dans la région de Nimba.
Nimba Mining SA est issue d’un décret présidentiel annoncé par le chef de l’État, le général Mamadi Doumbouya, lors d’une allocution diffusée à la télévision nationale en août dernier. Cette société publique, détenue à 100 % par l’État guinéen, a pour vocation de transformer le rôle de Conakry dans la chaîne de valeur minière : passant d’un simple régulateur à un acteur direct et opérationnel. L’objectif affiché est clair : optimiser l’exploitation des gisements de bauxite pour maximiser les retombées économiques locales, tout en appliquant rigoureusement l’article 88 du code minier guinéen, qui impose une participation accrue de l’État aux projets extractifs.
La création de la NMC s’inscrit dans le contexte du retrait de la concession bauxitique de 690 km² précédemment accordée à Guinea Alumina Corporation (GAC), une filiale du groupe émirati Emirates Global Aluminium (EGA). Attribuée pour 25 ans à la nouvelle entité, cette concession – située dans la préfecture de Boké – avait été retirée à GAC pour non-respect d’engagements majeurs, notamment la construction d’une raffinerie d’alumine promise mais jamais réalisée. Ce transfert, effectif depuis début août, symbolise la volonté du gouvernement de la Transition de reconquérir la souveraineté sur les ressources naturelles, un secteur vital pour l’économie guinéenne qui représente plus de 90 % des exportations du pays.
C’est dans ce cadre ambitieux que Patrice L’Huillier a été choisi pour piloter la NMC. Âgé d’une cinquantaine d’années, cet ingénieur diplômé de l’École Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC) en France revendique plus de 30 ans d’expérience dans le secteur minier. Sa carrière, riche et internationale, a débuté au milieu des années 90 chez Péchiné (aujourd’hui Rio Tinto Alcan) à Fria, en Guinée même, où il a posé les bases de son expertise en exploitation minière. Par la suite, il a gravi les échelons dans plusieurs géants du secteur : vice-président et responsable des opérations chez ENRC (aujourd’hui ERG) au Kazakhstan, où il supervisait les activités de ferroalliages et de minerai de fer ; directeur de projet chez Canyon Resources en Australie ; et plus récemment, directeur des opérations pour ERG Africa au Congo Kinshasa et au Cameroun, avec un focus sur le manganèse, le cuivre et la bauxite.
« Son recrutement s’est déroulé dans un processus concurrentiel », confie une source proche du dossier, sans entrer dans les détails. Cette nomination, qui intervient à peine un mois après la création de la société, est saluée pour son profil hybride : alliant expertise technique et expérience terrain en Afrique et en Asie centrale. L’Huillier, qui parle couramment le français et l’anglais, est également impliqué dans des projets innovants comme l’exploration de lithium en Afrique centrale via Geocore Lithium.
Malgré ces atouts, des défis attendent la NMC : financement des infrastructures logistiques (ports, rails), recrutement d’équipes locales qualifiées, et respect des normes environnementales dans une zone riche en biodiversité comme le massif du Nimba, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le nouveau Directeur Général n’a pas encore fait de déclarations publiques, mais des sources indiquent qu’il prévoit une première réunion du conseil d’administration d’ici fin septembre pour tracer les priorités opérationnelles.
Cette nomination intervient alors que la Guinée, deuxième producteur mondial de bauxite, cherche à diversifier ses partenariats et à industrialiser son secteur minier. Avec L’Huillier aux commandes, Nimba Mining SA pourrait bien devenir un modèle de gouvernance étatique efficace, à condition de surmonter les obstacles techniques et financiers inhérents à un tel projet. L’heure est à l’action : la Guinée ne veut plus se contenter de vendre sa bauxite brute, mais en faire un levier de développement durable.
Aly Badra Diallo pour le reportage Tel 224 625538230