Tokounou, une paisible commune rurale à 120 km de Kankan, est aujourd’hui secouée par une affaire qui divise et inquiète. En toile de fond : des soupçons de mauvaise gestion, une plainte à la CRIEF, et une communauté déterminée à obtenir des réponses.
Sous le soleil ardent de Tokounou, les murmures sont devenus cris. Ceux des jeunes, des sages, des femmes, des ressortissants établis à Conakry, Kankan, voire en France. Tous, aujourd’hui, pointent un homme : Lancinè Traoré, président de la délégation spéciale de la commune. À ses côtés, des défenseurs. En face, une fronde qui s’organise, documente, accuse.
Depuis l’arrivée de Lancinè Traoré à la tête de la commune, plusieurs ressources sont exploitées. Des carrières de granite aux terrains stratégiques longeant le corridor ferroviaire, Tokounou génère des revenus. Mais, selon une frange de la population, ces fonds ne profitent pas à la collectivité.
Ibrahima Sory Condé, porte-parole de ce mouvement contestataire, ne décolère pas :
« On ne voit aucun rapport, aucun document, aucune preuve de ce que la commune encaisse. Chaque trimestre, les carrières de granite versent plus de 136 millions de francs guinéens. Où va cet argent ? »
Selon lui, la commune, détentrice de 38 % des parts sur ces carrières, devrait toucher près de 100 millions GNF tous les trois mois. Or, sur le terrain, les projets manquent, les jeunes chôment, et les frustrations s’accumulent.
Le président est aussi accusé d’avoir détourné des fonds pour son enrichissement personnel. En ligne de mire : l’achat d’un véhicule Toyota Matrix estimé à 85 millions GNF et la construction d’une villa luxueuse de six chambres, dotée d’équipements modernes.
« Il dit que c’est un don de son frère venu d’Angola. Mais après vérification, ça ne tient pas », insiste Ibrahima Sory Condé.
Plutôt que de descendre dans la rue, les jeunes et les ressortissants ont décidé d’agir autrement. Un mémorandum a été rédigé et envoyé à la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières). Un acte fort, mûrement réfléchi.
« Nous avons opté pour une approche pacifique et responsable. Les manifestations peuvent déraper, surtout avec la présence de jeunes influencés par la drogue»
Contacté par Guineematin.com, Lancinè Traoré balaie ces accusations d’un revers de main :« Ma gestion est transparente. Je ne travaille pas seul. Il y a des cadres autour de moi. Si on me demande de rendre compte, je suis disponible. »
Il affirme n’avoir encore été auditionné par aucune autorité judiciaire, mais se dit prêt à coopérer pleinement.
À Tokounou, l’ambiance est tendue mais maîtrisée. Aucun débordement pour l’instant. Tous les regards sont tournés vers la CRIEF, gardienne des deniers publics et de la bonne gouvernance. Une chose est certaine : au cœur de cette commune, la soif de justice est palpable. Et la balle est désormais dans le camp des institutions.